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FONDEMENT STRATÉGIQUE

Mandat, vision et missions du CILSS

  

Mandat
Le mandat assigné au CILSS par les États est : «S’investir dans la recherche de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle et la lutte contre les effets de la désertification et du Changement Climatique pour un équilibre écologique et un développement durable au Sahel et en Afrique de l’Ouest».

Vision
La vision 2050 du CILSS se libelle comme suit : « À l’horizon 2050, le savoir-faire technique et scientifique du CILSS pleinement déployé contribuant au bien-être des populations sahéliennes et ouest-africaines

Missions
De par son statut et son mandat, le CILSS a pour missions de :
a. contribuer à la réalisation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et à une meilleure gestion des ressources naturelles des zones sahéliennes et soudano-sahéliennes (gestion durable des terres/biodiversité) pour un développement durable de la région ;

b. appuyer et accompagner les États membres dans la formulation, l’analyse, l’harmonisation et la mise en oeuvre des politiques, stratégies et programmes agricoles, de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de lutte contre les effets du changement climatique et dans le domaine de la maîtrise de l’eau ;

c. coordonner aux plans sous régional et régional l’ensemble des réflexions et actions menées pour maîtriser :
(i) les contraintes démographiques qui entravent la croissance conomique
(ii) les migrations, et pour promouvoir
(iii) l’emploi des jeunes,
(iv) le genre, l’autonomisation des femmes et le dividende démographique ;

d. contribuer à renforcer la coopération entre les États membres dans leurs efforts communs de lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et les effets de la sécheresse et du changement climatique ;

e. appuyer les États membres dans la mise en oeuvre des réglementations régionales sur les intrants agricoles (pesticides, semences et engrais) et la prévention des risques liés à l’utilisation de la biotechnologie moderne ;

f. développer et mettre en oeuvre des actions visant à améliorer le commerce et les échanges intrarégionaux des produits agro-sylvo-pastoraux et halieutiques ;

g. développer et appuyer la mise en oeuvre dans les pays des actions de maîtrise de l’eau pour le développement de l’irrigation et la satisfaction des besoins pastoraux et domestiques ;

h. promouvoir la capitalisation et la diffusion des (bonnes pratiques) expériences et des acquis dans les domaines de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (SAN), de la Gestion des Ressources Naturelles et le Changement Climatique (GRN/CC), de la maîtrise de l’eau, du commerce régional et de la population, du genre et du dividende démographique ;

i. appuyer les États dans le renforcement des systèmes d’information, afin d’informer, de sensibiliser et surtout de permettre la prise de décision dans les domaines de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, de la Gestion des Ressources Naturelles et le Changement Climatique, des marchés, de la maîtrise de l’eau et les questions de population, genre et dividende démographique par les États membres et la Communauté Internationale ;

j. accompagner et renforcer les capacités des États membres dans les prévisions météorologiques, climatiques, hydrologiques, agro-météorologiques et démographiques pour la réduction des risques de catastrophe et à travers des formations diplômantes et continues dans ses domaines d’intervention ;

k. accompagner les pays côtiers dans la prise en compte des thématiques qui leur sont spécifiques ;

l. accompagner et superviser les actions spécifiques de coopération et d’échanges entre les pays membres en matière de développement rural

Principes directeurs de la stratégie

  Sept principes directeurs constituent le fondement de la stratégie. Ils se déclinent comme suit :
 Orientation Client ;
 Participation (approche participative et genre) ;
 Subsidiarité ;
 Orientation Programme (approche programme) ;
 Gestion Axée sur les Résultats (GAR) ;
 Transparence ;
 Synergie et complémentarité entre sites opérationnels et/ou États membres.

L’architecture d’ensemble de la stratégie

Les axes du plan stratégique 2050 du CILSS sont alignés sur les domaines d’intervention revus dans le cadre de la nouvelle réforme. L’objectif principal est d’amener l’Institution à capitaliser les acquis et les consolider durablement tout en s’adaptant au nouveau contexte sous-régional et international en développant de nouveaux savoir-faire sans se disperser. Cinq axes opérationnels et un axe portant sur la gouvernance institutionnelle et organisationnelle (The Enbling Environment) correspondant aux objectifs stratégiques, sont au coeur de la stratégie. La figure suivante présente l’architecture d’ensemble de la stratégie.

Schéma d’ensemble de la stratégie

TENDANCES MAJEURES AUX NIVEAUX INTERNATIONAL ET RÉGIONAL LIÉES AUX DOMAINES D’EXPERTISE DU CILSS

1. La sécurité alimentaire et la nutrition

  

L’enjeu de la sécurité alimentaire et de la nutrition est de plus en plus préoccupant dans le monde et davantage en Afrique. D’après le rapport de la FAO sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021, l’insécurité alimentaire et la malnutrition pour l’année 2020 se sont aggravées dans le monde avec la pandémie de Covid-19 et ses effets prolongés et le renchérissement des prix des produits de premières nécessités en raison de la guerre russo-ukrainienne. La situation de l’insécurité civile vient encore déstabiliser l’ensemble des systèmes alimentaires exposant ainsi près de 40 millions de personnes vulnérables à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans la région. Même avant la crise de la Covid-19, des doutes existaient quant à l’atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD-2) portant sur la fin de la faim dans le monde en 2030. En 2021, selon les données d’un panel international opérant en Afrique de l’Ouest3, 13,9 millions d’enfants de moins de 5 ans d’Afrique de l’Ouest souffrent de Malnutrition Aiguë (MAG), dont 30% (soit 4,31 millions) de cas de Malnutrition Aiguë Sévère (MAS). Dans les pays de la CEDEAO, ainsi qu’au Cameroun et en Mauritanie, on estime à 9,66 millions le nombre de cas de MAG, dont 3,08 millions de cas de MAS, soit une augmentation de +7% par rapport à la moyenne quinquennale (2015-2019).

En collaboration avec le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA), l’UNICEF, le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la FAO suggère, dans son rapport 2021, six voies de transformation à emprunter face aux principaux facteurs à l’origine des tendances récentes en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Ces six voies sont les suivantes :

  • i) Intégrer l’action humanitaire, les politiques de développement et la consolidation de la paix, dans les zones touchées par des conflits ;
  • ii) Renforcer la résilience face aux changements climatiques dans l’ensemble du système alimentaire ;
  • iii) Renforcer la résilience des plus vulnérables face à l’adversité économique ;
  • iv) Intervenir le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire en vue de réduire le coût des aliments nutritifs ;
  • v) Lutter contre la pauvreté et les inégalités structurelles en veillant à ce que les interventions soient favorables aux pauvres et inclusives ;
  • vi) Renforcer l’environnement alimentaire et changer le comportement des consommateurs ayant une incidence positive sur la santé humaine et sur l’environnement

2. La gestion des ressources naturelles


Depuis les années 1970, la population mondiale a doublé, et le produit intérieur brut mondial a quadruplé, nécessitant de grandes quantités de ressources naturelles (PNUE, 2019). Selon l’ONU environnement, l’extraction et la transformation des ressources naturelles comptent pour environ 50% du total des Gaz à Effet de Serre (GES), les impacts liés à la pression sur les ressources de l’eau et à la perte de la biodiversité à cause de l’utilisation des terres sont encore plus significatifs à plus de 90%. Si la tendance à la hausse à l’utilisation des ressources persiste, l’atteinte de l’ODD 15.5 (arrêt de la perte de biodiversité) ainsi que des objectifs de l’accord de Paris (COP 21) sera incertaine Selon les données du Centre Africain des Ressources Naturelles (ANRC) de la Banque Africaine de Développement (BAD), l’Afrique a une importante richesse en ressources naturelles : la plus grande masse de terres arables de la planète, les deuxièmes plus grands et plus longs fleuves (le Nil et le Congo), la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, une valeur ajoutée totale des pêches et de l’aquaculture seule estimée à 24 milliards USD, 30% environ de toutes les réserves mondiales de minéraux (BAD/ANRC, 2016 : 3). La contribution des industries extractives aux finances publiques est significative, avec des recettes publiques de certains pays africains dépendant presque entièrement d’eux, pouvant contribuer à plus de 30 milliards de dollars par an en recettes des Gouvernements pour les 20 prochaines années. L’Afrique de l’Ouest est également passée première région minière aurifère, devant l’Afrique du Sud, selon le commissaire Énergies et Mines de la CEDEAO, faisant d’elle, une région au « cœur des enjeux géostratégiques » (Jeune Afrique, 2018). La sous-région fournit aussi 10% du manganèse, 8% de la bauxite et 7% de l’uranium mondial, rapporte Jeune Afrique Économie (2018). Entre 2006 et 2017, plusieurs nouvelles mines ont été autorisées en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso, au Ghana et en Guinée.

Deux types d’obstacles majeurs empêchent les pays africains de réaliser leur potentiel en termes de gestion et de mise en valeur de leurs ressources naturelles :

  • i) Les défis de développement durable et de gouvernance, y compris les problèmes environnementaux, la désertification, la conservation des ressources, le déplacement de communautés de leurs terres traditionnelles, un manque de directives claires des politiques nationales, des mauvaises décisions d’investissement et la gestion des recettes ;
  • ii) La faiblesse des institutions conduisent à la faiblesse des contrôles aux frontières, un manque de sécurité humaine, une baisse de l’investissement, de mauvais choix politiques ainsi qu’un déclin de la biodiversité et du commerce formel.

En rappel, en Afrique de l’Ouest et au Sahel, l’essentiel des gains de production est dû à l’extension des surfaces cultivées qui se traduit par une déforestation continue, la réduction des jachères, la réduction des zones humides et l’exposition des terres à l’insolation et à l’érosion. Tout porte à croire que l’aggravation de ces phénomènes traduit la faiblesse des investissements agricoles qui, lorsqu’ils sont disponibles, souffrent d’une orientation inappropriée souvent contraire aux énoncés politiques et stratégiques généralement parfaits. Ceci fait que, dans la région, les importations des denrées alimentaires (céréales notamment) s’accroissent alors que les productions nationales stagnent ou baissent de plus en plus d’année en année. Il importe d’intégrer cette dimension amplifiée désormais par les effets pervers du changement climatique, l’insécurité, la ruée minière, somme toute, à l’origine de transferts massifs de populations vers d’autres zones ou d’autres secteurs d’activités non agricoles.

De même, en Afrique de l’Ouest, entre les populations et les ressources naturelles, il s’est établi un lien à double sens, l’un vertueux porteur d’avantages à long terme donc compatible avec les principes du développement durable et l’autre, conflictuel porteur de revenus immédiats et de péril à terme. Vertueux lorsque les populations sont tenues par les considérations culturelles et sociologiques qui tendent à favoriser la conservation des ressources naturelles, source de protection idolâtre et de réserves alimentaires non ligneuses, source aussi de plantes médicinales de pharmacopée. Partant, un équilibre est strictement entretenu entre l’homme et la nature d’où son caractère vertueux.

Conflictuel au regard des comportements déviants qui rompent avec les us et coutumes traditionnels lesquels sont respectueux de l’environnement. Cette tendance suscite, au sein des populations, une perception qui consiste à couper et à vendre ce qui peut l’être, contribuant ainsi à la déstructuration des ressources naturelles. La vulnérabilité croissante des populations en zone rurale et la faiblesse de l’encadrement agricole et forestier facilitent cette pratique.

Un changement fondamental dans la façon dont les ressources naturelles et minières sont utilisées dans le monde est nécessaire pour réussir d’ici à 2030, les ODD 8.4 relatifs à l’utilisation efficace des ressources, 12.2 relatifs à la gestion durable

3. La maîtrise de l’eau

La nécessité de gérer l’eau pour répondre aux besoins des pays et des populations constitue un enjeu de taille, et de plus en plus important, dans maintes régions du monde. D’après les données de l’OCDE, à l’horizon 2050, 3,9 milliards de personnes, soit plus de 40% de la population mondiale, vivront sans doute dans des bassins hydrographiques soumis à un stress hydrique élevé.

Les projections indiquent une progression de la demande d’eau de 55% entre 2000 et 2050. Selon l’OCDE, l’augmentation de la demande en eau viendra principalement des activités manufacturières (+400%), de la production d’électricité (+140%) et des usages domestiques (+130%). Compte tenu de la concurrence entre ces demandes, il ne sera guère possible d’accroître les volumes destinés à l’irrigation, rapporte l’OCDE.  L’agriculture africaine, en particulier dans l’espace du CILSS, est essentiellement pluviale avec une grande itinérance des champs et une grande mobilité du cheptel conduit de manière extensive pour la recherche des ressources y compris l’eau d’abreuvement.

Cette agriculture pluviale déjà vulnérable est affectée par les effets pervers du changement climatique, donnant ainsi lieu à des niveaux de rendements bas et volatiles. En raison de la stagnation des productions nationales et de l’augmentation des besoins de consommation consécutive à l’accroissement démographique, les États sahéliens et d’Afrique de l’Ouest s’obligent à résorber leurs déficits en important des quantités de plus en plus importantes de denrées alimentaires.

L’accroissement et la mutation de la concurrence (l’agriculture, la pêche, le secteur de l’énergie, l’industrie, les quartiers résidentiels, etc.) influent sur la sécurité alimentaire et la nutrition de trois manières principales :

i) La disponibilité/pénurie (la quantité moyenne d’eau disponible) ;
ii) L’intensité de la concurrence entre les acteurs et les utilisations ;
iii) Les modalités de cette concurrence, qui influent sur l’accès des populations à l’eau (OCDE, 2015 : 45).

La répartition inéquitable des ressources en eau entre les personnes et, plus particulièrement, le manque de prise en compte des populations marginalisées et vulnérables et des femmes sont également source d’insécurité alimentaire.

L’Afrique est le continent des paradoxes en matière d’eau. Certains pays bénéficient d’abondantes pluies à des périodes données, mais font face, à d’autres périodes, à des pénuries d’eau pour l’agriculture. Les sécheresses et les inondations se suivent ou s’alternent dans certaines sous-régions (Bazié, 2014). L’agriculture est considérée comme l’un des secteurs les plus touchés par les effets du changement climatique. L’exacerbation des tensions entre les acteurs est présentée comme une conséquence de la raréfaction des ressources en eau. En Afrique de l’Ouest, la baisse du niveau de la pluviométrie (surtout au Sahel), la dégradation de l’environnement et l’accroissement de la population ont provoqué un amenuisement des ressources en eau (Baron et Bonassier, 2011). Le changement climatique y entraîne des phénomènes extrêmes telles que les inondations et les longues sécheresses.

À l’horizon 2080, la FAO prédit entre 30 et 60 millions d’hectares de terre en Afrique subsaharienne qui pourraient devenir impropres à l’agriculture pluviale, à cause des aléas climatiques et des contraintes liées au sol et au terrain (Science et développement,
2017).

Pour parer à ces défis, les experts du continent recommandent l’implantation de systèmes économes en eau, comme le système goutte-à-goutte, la micro-irrigation, la construction de barrages ou de points de retenues d’eau. Selon la Coalition mondiale sur l’eau au Sahel5, la ressource « eau » est en théorie relativement abondante en Afrique de l’Ouest, sa rareté est une rareté structurellement induite et reflète plutôt un problème dans la capacité de la région à valoriser son potentiel hydrique au service de son développement (Ouédraogo, 2013). Pour mobiliser les compétences, le savoir-faire et les ressources financières pour faire de la maîtrise de l’eau une priorité stratégique dans la sous-région, la Coalition propose une approche participative et intégrée ainsi que l’augmentation des investissements en la matière. Les options et impératifs d’action pour la maîtrise de l’eau préconisés par l’OCDE dans le domaine de la maîtrise d’eau consistent à :

i) Inciter à un usage efficient de l’eau ;
ii) Améliorer la qualité de l’eau ;
iii) Investir dans des infrastructures vertes ;
iv) Accélérer le déploiement des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les pays en développement en mettant à l’étude des solutions novatrices, nécessitant moins d’eau, d’énergie ou de capitaux.

4. Population, genre et développement

De 2018 à 2020, la population mondiale aurait augmenté de 7,7 milliards de personnes en moyenne et atteindrait une moyenne de 8,5 milliards de personnes en 2030 (OCDE/FAO, 2021). Cela correspond à une croissance annuelle de 0,9%, rythme moins rapide que durant la décennie précédente (1,1% par an). Les deux tiers de cette augmentation devraient se produire en Afrique subsaharienne, en Inde, et au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Les tendances démographiques, les inégalités entre les sexes, de même que la montée des flux migratoires, corolaire des conflits (rébellion, terrorisme), de troubles sociopolitiques, de la pauvreté, des catastrophes climatiques, etc., figurent également parmi les enjeux démographiques et de développement et qui minent les efforts vers l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique.

On relève aujourd’hui près de 2 milliards de personnes âgées de 10 à 24 ans dans le monde, soit le plus grand nombre de jeunes jamais connu dans l’histoire, de plus en plus dans les pays en développement. Au cours des trois dernières décennies, la population ouest-africaine a plus que doublé (CSAO/OCDE 2016). Avec 75% des moins de 35 ans et seulement 3% des plus de 65 ans (2019) en Afrique, l’inclusion des jeunes dans la vie économique et sociale en termes de dynamisme, mobilité, innovations sont à la fois des atouts et des défis majeurs. Les investissements en matière d’accès à des services publics de qualité (santé, éducation, environnement) sur l’ensemble du territoire et en matière d’égalité de genre seront des enjeux primordiaux. La montée des flux migratoires, corolaire des conflits, de troubles sociopolitiques, de la pauvreté, des catastrophes climatiques, etc. figure également parmi les enjeux démographiques et de développement. On y note une part de plus en plus grandissante de femmes parmi les migrants africains qui s’installent dans les pays de l’OCDE. Avec l’Algérie et le Maroc comme principaux corridors migratoires entre l’Afrique et l’Europe (la France en particulier) (d’Aiglepierre et al., 2020).

Selon l’étude de 2020 de Rohen d’Aiglepierre, Anda David, Gilles Spielvogel sur la migration africaine, les femmes représentent 48,3% des migrants africains entre 2015 2016 contre 46,7% entre 2000 2001. Au Sahel en particulier et en Afrique de l’Ouest en général, les migrations sont essentiellement liées aux conflits, aux pénuries d’eau et d’aliments pour le bétail et à la dégradation des terres (Bouquet, 2019). L’insécurité chronique et de plus en plus croissante, causée par des groupes armés terroristes, et des affrontements intercommunautaires entre éleveurs et cultivateurs, occasionne des déplacements de populations intra et extra territoriaux. De plus, quand les éleveurs ne trouvent plus l’herbe et l’eau qui sont leurs repères millénaires et quand les cultivateurs attendent vainement la pluie qui rythmait leurs saisons, ils deviennent, selon Christian Bouquet, des migrants climatiques.

La dimension de genre dans le développement est étroitement liée aux questions de population comme aux crises alimentaires et nutritionnelles, sécuritaires, climatiques et sanitaires. « Même si la nécessité d’intégrer pleinement la dimension du genre dans tous les aspects des programmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle fait l’objet d’un consensus grandissant, les évolutions demeurent faibles et inégales » (CSAO/OCDE,2020 1)6. En Afrique de l’Ouest, les obstacles à l’intégration systémique de la dimension genre aux politiques et programmes relatifs à la SAN sont liés à l’inégalité dans l’organisation sociale domestique, dans l’accès aux ressources (les terres et autres moyens de production) et à l’emploi rémunéré.

Caractérisé par une organisation sociale fortement dichotomique et inégalitaire selon le sexe, le cadre domestique confère aux hommes, un emploi rémunéré tandis que les femmes assurent les tâches familiales et domestiques non rémunérées. Ces dynamiques relationnelles entraînent une plus forte exposition des femmes à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, directement responsables de la provision, de la préparation et de la distribution de la nourriture dans la famille. En milieu rural par exemple, le poids de la tradition et l’accès limité des femmes aux ressources matérielles, financières et à la connaissance, les exposent particulièrement aux chocs alimentaires et nutritionnels, compromettant ainsi leurs aptitudes à développer des initiatives de sortie de la pauvreté. Représentant 80% des travailleurs dans la transformation alimentaire et la restauration de rue, les femmes ont été fortement impactées par les mesures de confinement et la fermeture des marchés dans les processus de riposte à la crise de la Covid-19. « Garantir la sécurité alimentaire pour tous (en élevant les niveaux de nutrition et en développant la productivité agricole et la gestion des ressources naturelles, et en améliorant les conditions de vie des populations rurales) ne peut être accomplie que grâce à l’égalité des sexes » (FAO, 2017).

Selon le CILSS, les bonnes pratiques ont « clairement établi que la prise en compte accrue du genre dans le ciblage des groupes vulnérables permet de répondre efficacement aux problèmes d’alimentation et de nutrition des ménages » (CILSS, 2022). Les actions de terrain menées par l’institution ont permis de mettre en évidence deux faits majeurs :
i) Les transferts sociaux ciblant les femmes avec des mesures d’accompagnement renforcent leur capacité de production et leur sentiment de contribuer elles aussi aux besoins de leur famille et à l’évolution de leur communauté ;
ii) L’accès des femmes au capital physique et financier, aussi modeste soit-il, peut renforcer leurs moyens d’existence et soutenir leurs activités génératrices de revenus.

Afin d’inverser cette tendance et de promouvoir l’autonomisation des femmes, la CEDEAO, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers, à travers notamment une subvention de cinq (05) millions d’euros de la Coopération espagnole, a accordé, ces six dernières années, une place de choix aux femmes, aux enfants et aux jeunes dans la mise en oeuvre de son programme d’appui aux filets nationaux de sécurité sociale. Cependant, malgré les efforts consentis visant une plus grande prise en compte du genre dans les programmes de éveloppement, l’inégalité entre les sexes demeure et constitue un frein à la lutte contre la pauvreté dans la sous-région (CILSS, 2022).

5. Accès aux marchés alimentaires

Malgré une baisse entre 2014 et 2015, atteignant 1 500 milliards USD en 2018 (FAO 2020 : 4), les marchés agricoles ont connu, au cours de la dernière décennie, une croissance marquée en termes de volumes d’échange et de revenus. D’après les perspectives agricoles 2021-2030 de l’OCDE et de la FAO (2021), la demande future de produits alimentaires est directement influencée par la pression démographique, la croissance et la répartition des revenus, et par les prix des denrées alimentaires. À l’échelle mondiale, l’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’offre et la demande de céréales, d’oléagineux et de sucre est considéré modeste. Les prix internationaux de la viande, du poisson et des produits laitiers ont ainsi diminué sous l’effet de la Covid-19. Par exemple, les prix du poisson en 2020 étaient en moyenne inférieurs de 7% à ceux de 2019. D’après l’OCDE/FAO (2021), l’Accord sur la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) jouera progressivement un rôle important et positif dans la croissance de 20 à 35% (10 à 17 milliards USD) en produits agricoles et alimentaires
d’ici à 2030.

En Afrique subsaharienne, les ménages consacrent en moyenne environ 38% de leurs revenus à l’alimentation. Il existe cependant d’importantes variations d’un pays à l’autre. Par exemple, alors que ce taux est de 16% en Afrique du Sud, il est d’environ 50% au Nigéria (OCDE/FAO, 2021). La sécurité alimentaire et le bien-être économique sont particulièrement fragiles sur le continent à cause du prix des aliments ou des variations brutales des revenus. Alors que la majorité des aliments de base est produite pour la consommation intérieure, les importations prennent de plus en plus de place pour combler l’écart entre production et consommation intérieures, avec un déficit commercial devant se creuser au cours de la prochaine décennie, soit de 7 à 18 milliards USD en 2030 (OCDE/FAO, 2021). L’un des effets de la pandémie en 2020 a été l’augmentation des importations de céréales et d’huile végétale, tandis que les importations de viande et de sucre diminuaient avec les difficultés logistiques qui ont entraîné de longs retards aux postes-frontières terrestres (Njiwa and Marwusi, 2020).

La région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest a plus de potentiel de se nourrir de la production régionale agricole, de bétail/viande que de produits halieutiques de la sous-région (CILSS, 2019b). Cela devrait lui permettre d’être résiliente aux facteurs négatifs du marché mondial. À cette fin, conformément au Schéma de Libéralisation des Échanges de la CEDEAO (SLEC), les produits agricoles et alimentaires de la région doivent pouvoir circuler librement des zones de production vers les zones de consommation et des zones excédentaires vers les zones déficitaires. Cependant, selon le CILSS, la circulation intrarégionale des produits agro-pastoraux et de la pêche est entravée par de nombreuses barrières telles que les tracasseriespolicières, les barrières tarifaires et non tarifaires, l’insuffisance d’informations sur la dynamique du commerce intrarégional et sur les opportunités commerciales. De plus, l’insuffisance dans la transformation des produits locaux contribue à la hausse des prix de revient des produits, réduisant la compétitivité des produits de la région au détriment des produits importés et limitant les gains en revenus, la création d’emplois le long des chaînes de valeur, et même l’accès aux populations vulnérables.
L’Accord sur la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) qui est entré en vigueur le 30 mai 2019 jouera progressivement un rôle important dans les échanges sur le continent. Avec le but de ramener à zéro 90% des lignes tarifaires sur une période linéaire de dix (10) ans pour les PMA et de cinq (05) ans pour les autres pays, 81% des lignes tarifaires de l’Accord de la ZLECAf ont déjà été mises en oeuvre, malgré la lenteur de nombreux pays à soumettre leurs propositions de réduction des droits de douane (OCDE/FAO, 2021). Si tel que prévu, seuls 3% des lignes tarifaires sont exclues des exemptions, cela aura un effet positif important à moyen terme sur le commerce intrarégional africain. D’après les estimations récentes de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, l’accord devrait entraîner une augmentation des échanges de produits agricoles et alimentaires sur le continent africain de 20 à 35% (ou de 10 à 17 milliards USD). Lesgains intrarégionaux devraient être particulièrement importants pour les produits carnés, le lait et les produits laitiers, le sucre, les boissons et le tabac, les fruits et légumes et les noix, ainsi que pour le riz paddy et le riz transformé (OCDE/FAO, 2021 : 99).

L’Afrique de l’Ouest aurait donné la priorité au sorgho, au bétail, au poisson et aux produits de l’aquaculture, entre autres, comme produits de base stratégiques à développer dans des chaînes de valeur régionales. Selon l’analyse ressortie d’une visioconférence organisée du 26 au 27 mai 2021 et regroupant les organisations intergouvernementales et des acteurs du secteur privé8, la mise en oeuvre de la ZLECAf dans l’espace CEDEAO apportera à ce dernier, des bénéfices réels suite à l’augmentation prévue du commerce africain de 15 à 25% d’ici à 2040 (ZLECAf Côte d’Ivoire, 2021).

6 . Le changement climatique et la résilience des pays et des communautés

Au cœur des enjeux mondiaux du changement climatique, se trouve l’objectif principal du CILSS. Les enjeux du changement climatique réaffirment l’importance des actions du CILSS. Orientées à la fois vers la sécurité alimentaire, l’accès aux marchés agricoles, la lutte contre la désertification, la maîtrise de l’eau, la gestion des ressources naturelles, la population et le développement, les interventions du CILSS se trouvent au coeur des tendances mondiales de lutte face au changement climatique et de développement des capacités des pays à la résilience face à ses effets négatifs. Alors que le Rapport Brundtland 1992 de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, « Notre avenir à tous », marquait le début d’un intérêt planétaire vers le développement durable, la Conférence des Parties (COP) sur le climat de Paris du 12 décembre 2021, à travers notamment l’accord historique avec 195 États, et l’Union Européenne, firent de la lutte contre le changement climatique, un besoin plus crucial. S’inscrivant dans la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), l’objectif central de l’Accord de Paris était de renforcer la réponse mondiale à la menace du changement climatique et à accroître la capacité des pays à faire face aux impacts du changement climatique et à rendre les flux financiers compatibles avec un faible niveau d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES) et une voie résiliente au climat. Pour atteindre ces objectifs, la COP21 vise à faire accélérer et intensifier les actions et les investissements nécessaires à un avenir durable à faible intensité de carbone. « Le changement climatique entraîne une augmentation de l’insécurité alimentaire, de la pauvreté et des déplacements en Afrique […] L’évolution du régime des précipitations, la hausse des températures et l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes ont contribué à aggraver l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacements de population en Afrique en 2020, ce qui n’a fait qu’accentuer la crise socio-économique et sanitaire déclenchée par la pandémie de Covid-19 » (ONU, 2021).

L’Afrique s’est réchauffée plus rapidement que la moyenne mondiale, terres et océans confondus (ONU, 2021). L’année 2020 se positionne entre la troisième et la huitième année la plus chaude jamais enregistrée en Afrique, en fonction de l’ensemble de données utilisées. D’ici à 2030, on estime que 118 millions de personnes extrêmement pauvres (c’est-à-dire vivant avec moins de 1,90 dollar USD par jour) seront exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes en Afrique si des mesures adéquates ne sont pas prises (ONU, 2021). Par exemple, en septembre 2021, de nombreux pays (Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie, Somalie, Kenya, Ouganda, Tchad, Nigéria – qui a également connu une sécheresse dans sa partie sud, Niger, Bénin, Togo, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun et Burkina Faso) ont signalé des pertes humaines ou des déplacements importants de populations suite à de graves inondations. De plus, de nombreux lacs et rivières ont atteint des niveaux record, notamment le lac Victoria (en mai 2021), le fleuve Niger à Niamey et le Nil Bleu à Khartoum (ONU, 2021). En outre, l’érosion des côtes ouest-africaines constitue un autre défi climatique de taille devant être considéré par le CILSS.

Le Fonds Vert pour le Climat (FVC) se présente désormais comme le cadre de référence de la lutte contre les effets du changement climatique et pour renforcer les capacités des pays et communautés à l’adaptation et à la résilience. Nouveau fonds mondial créé pour soutenir les efforts des pays en développement pour répondre au défi du changement climatique, le FVC fait figure de Chef de file d’une myriade d’acteurs et de fonds dédiés pour la cause.