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Population, genre et développement

Population, genre et développement

De 2018 à 2020, la population mondiale aurait augmenté de 7,7 milliards de personnes en moyenne et atteindrait une moyenne de 8,5 milliards de personnes en 2030 (OCDE/FAO, 2021). Cela correspond à une croissance annuelle de 0,9%, rythme moins rapide que durant la décennie précédente (1,1% par an). Les deux tiers de cette augmentation devraient se produire en Afrique
subsaharienne, en Inde, et au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Les tendances démographiques, les inégalités entre les sexes, de même que la montée des flux migratoires, corolaire des conflits (rébellion, terrorisme), de troubles sociopolitiques, de la pauvreté, des catastrophes climatiques, etc., figurent également parmi les enjeux démographiques et de développement et qui minent les efforts vers l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique.

On relève aujourd’hui près de 2 milliards de personnes âgées de 10 à 24 ans dans le monde, soit le plus grand nombre de jeunes jamais connu dans l’histoire, de plus en plus dans les pays en développement. Au cours
des trois dernières décennies, la population ouest-africaine a plus que doublé (CSAO/OCDE 2016). Avec 75% des moins de 35 ans et seulement 3% des plus de 65 ans (2019) en Afrique, l’inclusion des jeunes dans la vie économique et sociale en termes de dynamisme, mobilité, innovations sont
à la fois des atouts et des défis majeurs.

Les investissements en matière d’accès à des services publics de qualité (santé, éducation, environnement) sur l’ensemble du territoire
et en matière d’égalité de genre seront des enjeux primordiaux. La montée des flux migratoires, corolaire des conflits, de troubles sociopolitiques, de la pauvreté, des catastrophes climatiques, etc. figure également parmi les enjeux démographiques et de développement. On y note une part de plus en plus grandissante de femmes parmi les migrants africains qui s’installent dans les pays de l’OCDE. Avec l’Algérie et le Maroc comme principaux corridors migratoires entre l’Afrique et l’Europe (la France en particulier) (d’Aiglepierre et al., 2020).

Selon l’étude de 2020 de Rohen d’Aiglepierre, Anda David, Gilles Spielvogel sur la migration africaine, les femmes représentent 48,3% des migrants africains entre 2015 2016 contre 46,7% entre 2000 2001. Au Sahel en particulier et en Afrique de l’Ouest en général, les migrations sont essentiellement liées aux conflits, aux pénuries d’eau et d’aliments pour le bétail et à la dégradation des terres (Bouquet, 2019). L’insécurité chronique et de plus en plus croissante, causée par des groupes armés terroristes, et des affrontements intercommunautaires entre éleveurs et cultivateurs, occasionne des déplacements de populations intra et extra territoriaux. De plus, quand les éleveurs ne trouvent plus l’herbe et l’eau qui sont leurs repères millénaires et quand les cultivateurs attendent vainement la pluie qui rythmait leurs saisons, ils deviennent, selon Christian Bouquet, des migrants climatiques.

La dimension de genre dans le développement est étroitement liée aux questions de population comme aux crises alimentaires et utritionnelles, sécuritaires, climatiques et sanitaires. « Même si la nécessité d’intégrer pleinement la dimension du genre dans tous les aspects des programmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle fait l’objet d’un consensus grandissant, les évolutions demeurent faibles et inégales » (CSAO/OCDE, 2020 1)6. En Afrique de l’Ouest, les obstacles à l’intégration systémique de la dimension genre aux politiques et programmes relatifs à la SAN sont liés à l’inégalité dans l’organisation sociale domestique, dans l’accès aux ressources (les terres et autres moyens de production) et à l’emploi rémunéré.

Caractérisé par une organisation sociale fortement dichotomique et inégalitaire selon le sexe, le cadre domestique confère aux hommes, un emploi rémunéré tandis que les femmes assurent les tâches familiales et domestiques non rémunérées. Ces dynamiques relationnelles entraînent une plus forte exposition des femmes à l’insécurité alimentaire et utritionnelle, directement responsables de la provision, de la préparation et de la distribution de la nourriture dans la famille. En milieu rural par exemple, le poids de la tradition et l’accès limité des femmes aux ressources matérielles, financières et à la connaissance, les exposent particulièrement aux chocs alimentaires et nutritionnels, compromettant ainsi leurs aptitudes à développer des initiatives de sortie de la pauvreté.  Représentant 80% des travailleurs dans la transformation alimentaire et la restauration de rue, les femmes ont été fortement impactées par les mesures de confinement et la fermeture des marchés dans les processus de riposte à la crise de la Covid-19.

« Garantir la sécurité alimentaire pour tous (en élevant les niveaux de nutrition et en développant la productivité agricole et la gestion des ressources naturelles, et en améliorant les conditions de vie des populations rurales) ne peut être accomplie que grâce à l’égalité des sexes » (FAO, 2017).

Selon le CILSS, les bonnes pratiques ont « clairement établi que la prise en compte accrue du genre dans le ciblage des groupes vulnérables permet de répondre efficacement aux problèmes d’alimentation et de nutrition des ménages » (CILSS, 2022)

Les actions de terrain menées par l’institution ont permis de mettre en évidence deux faits majeurs :
i) Les transferts sociaux ciblant les femmes avec des mesures d’accompagnement renforcent leur capacité de production et leur sentiment de contribuer elles aussi aux besoins de leur famille et à l’évolution de leur communauté ;
ii) L’accès des femmes au capital physique et financier, aussi modeste  soit-il, peut renforcer leurs moyens d’existence et soutenir leurs activités génératrices de revenus.

Afin d’inverser cette tendance et de promouvoir l’autonomisation des femmes, la CEDEAO, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers, à travers notamment une subvention de cinq (05) millions d’euros de la Coopération espagnole, a accordé, ces six dernières années, une place de choix aux femmes, aux enfants et aux jeunes dans la mise en oeuvre de son programme d’appui aux filets nationaux de sécurité sociale. Cependant, malgré les efforts consentis visant une plus grande prise en compte du genre dans les programmes de développement, l’inégalité entre les sexes demeure et constitue un frein à la lutte contre la pauvreté dans la sous-région (CILSS, 2022)